Histoire de notre Province

Dans le précédent article, nous en sommes restés à l'époque où la Franche-Comté est devenue autrichienne par le mariage de Marie de Bourgogne et de Maximilien d'Autriche. De leur union naissent Philippe le Beau et Marguerite d'Autriche.

   Philippe n'a que 14 ans lorsqu'il reçoit en héritage la Franche-Comté, à la mort de sa mère. L'empereur Maximilien gouverne en son nom et témoigne aux Comtois une vive reconnaissance pour leur fidélité. Après avoir épousé l'infante d'Espagne, Philippe le Beau meurt prématurément en 1506. Très affectée par cette mort, elle sera surnommée Jeanne la Folle.

   Leur fils, Charles Quint, hérite des possessions espagnoles et bourguignonnes. En 1516, il est roi de toutes les Espagnes et des colonies d'Amérique du Sud. En 1519, élu empereur du Saint Empire romain germanique, il est le maître de la puissante maison d'Autriche.

   Marguerite d'Autriche, qui avait été fiancée au Dauphin de France, épouse en premières noces Jean, le frère de Jeanne la Folle. Devenue veuve, elle se remarie avec Philibert le Beau, duc de Savoie. En 1506, à la mort de son père, Charles Quint n'a que six ans. Son grand-père, Maximilien, confie la Comté à Marguerite, à nouveau veuve. Femme exceptionnelle, son gouvernement est très satisfaisant. Elle signe un traité de neutralité avec la Suisse et un traité de paix avec la France, ce dernier appelé "Paix des Dames". Elle réside à Gand et choisit, en 1517, Philibert de Chalon, prince d'Orange, comme gouverneur de la Comté.

   Le dernier des Chalon apporte ses services à Charles Quint dont il est le chef des armées. Fait prisonnier à la bataille de Pavie, en Italie, il sera échangé contre François 1er, lui-même prisonnier. Philibert de Chalon meurt en 1530 au siège de Florence. On lui fera à Lons-le-Saunier des funérailles grandioses, son corps ayant été déposé dans l'église des Cordeliers.

   Marguerite d'Autriche meurt quelques mois plus tard. C'est à elle que l'on doit la très belle église de Brou, à Bourg en Bresse, qu'elle fit construire comme sépulture de famille à la mort de son mari le duc de Savoie. Elle avait conseillé à Charles Quint de protéger la Franche Comté et de prendre des Comtois – excellents serviteurs, dit-elle - comme conseillers.

   Charles Quint, ayant suivi ses conseils, règne sur un immense empire et l'on peut dire que ce n'est pas l'Espagne qui commande la Franche-Comté mais l'inverse. Nicolas Perrenot de Granvelle et Mercurin de Gattinara, très écoutés, dirigent l'Empire pendant près de soixante ans. En 1530, après la mort de Marguerite, Charles Quint remet le gouvernement de la Comté à sa sœur Marie d'Autriche. Cette princesse continue le sage gouvernement de sa tante. La Franche-Comté, à l'abri des guerres grâce aux traités de paix, connaît une ère de prospérité. C'est l'âge d'or de la province.

   En 1556, Charles Quint, fatigué par la maladie et découragé par la montée du protestantisme, abdique, se retire dans un monastère, laissant l'Espagne et ses Etats de Bourgogne à son fils Philippe II et l'Autriche à son frère.

   En avril de cette même année, Philippe II, roi d'Espagne, est reconnu comte de Bourgogne. Les guerres de religion viennent frapper l'Europe entière. Le Roi, fervent défenseur du catholicisme, intervient dans la succession au trône d'Angleterre mais se heurte à l'avènement d'Elisabeth, fondatrice de l'anglicanisme. Ses guerres ruinent l'Espagne et le conduisent à la cuisante défaite de la flotte, "l'invincible armada", en 1588. Se laissant accaparer par les affaires d'Espagne, il néglige la Franche-Comté. Il meurt en 1598 et lègue la Province à sa fille Isabelle, épouse de l'archiduc Albert d'Autriche. Elle gouverne avec sagesse jusqu'en 1633. A sa mort, le petit-fils de Philippe II, Philippe IV, roi d'Espagne depuis 1621, aura la lourde charge de défendre ses Etats contre Louis XIII et Richelieu.

   En 1635, Louis XIII déclare la guerre à l'Espagne. Le 27 mai 1636, en dépit du traité de Neutralité, il décide d'envahir la Franche-Comté sous le prétexte de l'asile accordé à son frère Gaston d'Orléans. Dès le printemps, Henri de Condé pénètre avec 15.000 hommes dans la région de Dole. Le duc de Longueville, à la tête de 6000 Français, entre en Comté par Saint-Amour, en juillet remonte sur Lons-le-Saunier, prend Bletterans et Courlaoux en septembre. Dans le même temps, le général allemand Bernard de Saxe-Weimar saccage la montagne depuis le Haut-Doubs jusqu'au Haut-Jura. La Franche-Comté est ravagée par les troupes franco-suédoises. La peste et la famine viennent ajouter leurs ravages à la guerre. En 1659, la paix des Pyrénées donne un répit aux Comtois mais la Province a perdu les trois quarts de sa population.

   En 1667, Louis XIV attaque l'Espagne, revendiquant l'héritage de sa femme, la reine Marie Thérèse d'Autriche. La Franche-Comté, désormais sans défense, est conquise en trois semaines, puis restituée à l'Espagne par le traité d'Aix-la-Chapelle. Ce n'est encore qu'un nouveau répit. La régente d'Espagne, Marie-Anne, qui gouverne au nom de son fils Charles II, est mécontente de l'attitude des Francs-Comtois. Elle donne le gouvernement à un étranger, le prince d'Aranberg. La résistance franc-comtoise s'organise avec ses propres moyens. Seuls des hommes comme le baron d'Arnans, le capitaine Claude Prost, dit Lacuzon, le colonel Varroz, le curé Marquis continuent de résister.

   Aujourd'hui encore, on parle des exploits du capitaine Lacuzon. Malgré le courage de ces hommes, la Franche-Comté est conquise. La paix est signée entre la France et l'Espagne par le traité de Nimègue le 17 septembre 1678. La Franche-Comté est désormais française. Elle se verra imposer le même régime administratif que les autres provinces. Le Parlement est transféré de Dole à Besançon qui devient alors la capitale.

La Franche-Comté se relève assez vite de ses ruines et connaît une période de prospérité. Grâce à un esprit coopératif, à l'exemple des Suisses, les producteurs de lait se groupent en fruitières. Grâce à un système collectif et social déjà très avancé, les forges et les hauts fourneaux s'organisent dans les régions de Champagnole, Fraisans, Sellières … La petite industrie se développe à Besançon, Morez, Dole, Saint-Claude. L'exploitation du sel continue à Lons-le-Saunier, Salins, Grozon et Arc-et-Senans. Les vignes s'étendent de Saint-Amour jusqu'à la Haute-Saône ; le vin du Jura est, dit-on, le vin préféré des Rois de France.

   La population remonte de 330.000 habitants à 660.000 avant la Révolution. La Franche-Comté s'intègre parfaitement à la France dont elle avait déjà la langue, la religion, l'esprit et les coutumes. Plus tard, elle donnera à la République plusieurs de ses meilleurs Généraux : Lecourbe, Moncey, Pichegru, Malet, Travot. On dit que Napoléon aimait choisir les grognards de sa garde parmi les Comtois.

   Rouget de Lisle, l'auteur de la Marseillaise, est né à Lons-le-Saunier en 1760 ; Pasteur, le grand savant, à Dole ; les Frères Lumière, à Besançon. Gustave Courbet devient l'un des maîtres de la peinture réaliste. Les écrivains, Marcel Aimé, Louis Pergaud, Bernard Clavel, André Besson ont merveilleusement décrit des personnages et des situations tirés du terroir franc-comtois. Victor Hugo et Lamartine étaient à demi comtois. Jules Grévy, de Mont-sous-Vaudrey, fut président de la République de 1879 à 1887.

   Pendant la guerre de 1914, les Comtois se distinguent par leur courage. La 14ème division, composée des 60ème, 44ème et 35ème Régiments d'Infanterie, dite division de fer, reçoit le titre de division des As. Des milliers de Comtois sont morts au Champ d'Honneur.

   En septembre 1939, la guerre est à nouveau déclarée et ne se termine qu'en mai 1945. Les maquis de Franche-Comté et de Bresse furent très actifs et n'ont eu de repos que lorsque la France fut de nouveau libérée.

 

André Gaulliard