Histoire de vieux métiers corlavois

LES MEUNIERS

 

   Dès le Moyen-Age, les hommes cherchèrent à utiliser la force motrice de l'eau comme énergie et décidèrent de domestiquer l'eau des rivières pour faire fonctionner des moulins à céréales, mais aussi plus tard toutes sortes de petits artisanats (huileries, forges, tourneries, etc …).

   Les moulins à eau en Bourgogne apparaissent au début de l'ère chrétienne mais c'est au XIXe siècle que les évolutions technologiques les plus conséquentes sont réalisées. L'usage du fer pour les roues et les engrenages améliorera beaucoup le rendement. Dans notre région, les pluies sont abondantes et la population saura tirer largement partie de cette énergie. Le Bassin Seille-Vallière compte à cette époque plus de 160 moulins en fonctionnement sur les 260 de la Bresse bourguignonne. Il y a en moyenne un moulin pour 300 habitants.

   D'après les chroniques de la guerre de Dix ans, un jour de1639, les femmes du moulin de Courlaoux réveillèrent par leurs cris les hommes de guet du duc de Longueville qui s'était emparé du château de Courlaoux, pour le compte du roi de France Louis XIII. Elles empêchèrent ainsi les Comtois, commandés par le baron d'Arnans, un noble espagnol, de reconquérir la place forte. Le capitaine Lacuzon la reprit en 1641.

   Dans la commune, il y avait trois moulins, un à Courlaoux et deux au hameau de Nilly.

   Le moulin de Courlaoux (Girard Daloz) prenait l'eau dans la Vallière à la limite de Courlans. Le barrage est encore en bon état et l'eau sert actuellement à faire tourner une turbine à électricité. Il y avait trois tournants et quatre meules dont une à gaudes. Les dernières années, il travaillait beaucoup pour les porcheries du Chalet exploitées par la maison Bel. Il s'arrêta de tourner en 1970.

   Le moulin Brayard, à Nilly, reprenait la même eau que celui de Courlaoux. Il avait nécessité de gros travaux au niveau du barrage et possédait une grande réserve d'eau. La digue avait plus de trois mètres de hauteur et arrêtait le courant sur plus d'un kilomètre de long, ce qui procurait aux pêcheurs un énorme réservoir à poissons. Il y avait trois tournants et trois paires de meules à céréales dont une à gaudes. Il fut le dernier des trois à s'arrêter de tourner, en 1972.

   Le moulin Geoffroy, à Nilly, dit le "moulin rouge" parce qu'il avait été bâti tout en briques fabriquées sur place, prenait son eau dans la Sorne à Frébuans. Elle était conduite dans un canal creusé à la main. Un procès a opposé pendant plus de 60 ans les riverains du canal aux meuniers successifs parce que, durant l'été, les premiers prenaient l'eau pour arroser leurs prés et il n'en restait alors plus suffisamment pour faire tourner les meules. Il s'ensuivit un accord qui n'autorisa les riverains à prendre de l'eau que du samedi midi au lundi midi. Il y avait trois tournants, trois paires de meules dont une à gaudes et un battoir à blé. Le meunier ravitaillait ses clients par un système de tournées dans les villages alentour, dont Trenal, Condamine, Sainte-Agnès, Beaurepaire, Le Fay avec des attelages à chevaux, et cela jusqu'en 1954. Malgré la motorisation des tournées, le moulin cessa son activité en 1970, les agriculteurs s'étant tous équipés peu à peu de leur propre moulin électrique.

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LES BOUILLEURS DE CRUS

   Une des traditions les plus anciennes, et qui est toujours pratiquée, est certainement celle des bouilleurs de crus. Il en reste quelques uns, mais leur nombre diminue tous les ans. Il y a encore dans la commune (en 2003) deux alambics en service : le syndicat du Gay Bourbon à Courlaoux, et celui du Bas Revermont à Nilly.

   Aussitôt la période de distillation autorisée, les vignerons et autres récolteurs de fruits viennent cuire leur production (une fois celle-ci fermentée) dans leurs locaux respectifs. Ceux-ci deviennent pour l'occasion un lieu de rencontre très fréquenté !

     La distillation est un travail délicat, une affaire de spécialiste, qui donne lieu à des séances de dégustation mémorables… On parle de l'eau de vie avec des termes techniques, que seuls comprennent les initiés : « elle tient l'épreuve », « elle est encore forte », « baisse le feu, elle sort trop vite et trop chaude » !

   « Elle sent la pomme » dit un visiteur, « il y en a » répond le propriétaire. « Elle a un goût de noyau » dit un autre, « il y a des prunes avec »… Et chacun renifle le produit fraîchement sorti, le déguste en connaisseur, en faisant claquer la langue au palais. Les plus jeunes, surpris par la force de l'alcool et les gaz d'alambic, partent en une quinte de toux qui fait rire les anciens. D'autres se cramponnent à leur verre en serrant les dents pour ne pas avoir l'air de mauviettes.

   Chacun a sa méthode secrète pour obtenir au mieux la précieuse marchandise, qui n'aura certainement pas le temps de vieillir (comme il se devrait afin de devenir plus douce à déguster).

   D'après le Dictionnaire des communes du Jura de Rousset, il y avait à Courlaoux, en 1809, lors de la création du cadastre 14,61 hectares en vignes, 5,08 hectares en jardins et 1,78 hectare en vergers. Il ne reste plus aujourd'hui qu'une dizaine de personnes qui font une déclaration de récolte de vin, pour à peine 1 hectare de vigne au total.

 

André Gaulliard